Nuit des contes à Le Centre : Le public s’enivre à la source de la tradition

« Conte ! Raconte ! Mon conte va, vole et tombe sur… ». Dans la soirée du lundi 14 août dernier à l’espace culturel Le Centre sis à Lobozounkpa, le public a vécu avec ferveur la dix-septième édition de la Nuit des contes. Un moment fabuleux, autour d’histoires allégoriques et instructives.

Charelle Honvo, comédienne et conteuse professionnelle

« Mion ! », clame le conteur ; et tous répondent harmonieusement : « Zô ! » … C’est dans une ambiance participative que le public, ivre de contes, a vécu la Nuit des contes à l’espace culturel et artistique Le Centre. Au programme, une série de contes en live, brillamment récités par des conteurs professionnels ; ensuite des conteurs amateurs dénichés dans le public ; puis la nouveauté : la lecture sur support imprimé de quelques contes, par des volontaires n’ayant auparavant aucune connaissance de ce patrimoine culturel immatériel incommensurable. De quoi rendre la soirée amusante mais aussi instructive et pédagogique, dans une ambiance conviviale, avec des conteurs aux histoires invraisemblables. Et pour preuve…

Une histoire de seins démontables ! Voilà qui est bien imaginaire ! Et pourtant, de ce récit digne des aventures d’Alice au pays des merveilles, ressort une leçon de vie ! Promise à un fiancé qu’elle a juré ne pas vouloir regarder ; la jolie cendrillon, dans la recherche de ses seins égarés, finit par se retrouver en face du fiancé arrangé mais indésiré, dont il tomba amoureuse. Leçon à en tirer : « Ne jamais dire jamais ! Et puis, les contraintes auxquelles les parents nous soumettent, ne sont pas forcément pour nous faire du mal. Cela peut concourir à notre bien », déduit Charelle Honvo, comédienne et conteuse professionnelle. Mais attention, Charelle invite à ne pas voir dans ce conte, une ode aux mariages arrangés et souvent forcés ! Ces temps sont révolus !

Souleymane Laly, conteur professionnel

Un autre récit rocambolesque : il est narré par Souleymane Laly, conteur professionnel. C’est l’histoire de de trois sœurs qui sont allées à la rencontre du génie du fleuve qui a accepté de faire suite à leur vœu le plus cher : celui de trouver une âme-sœur. Le génie leur a donné une statuette à mettre dans le feu, à en ressortir dès qu’elle sera brûlée, avant de souffler là-dessus. La benjamine a été ponctuelle et assidue, elle a introduit la statuette dans le feu et attendu le temps qu’il fallait pour l’en retirer avant de souffler sur l’objet. Cela a donné un homme blanc.  La cadette n’a pas attendu, elle était pressée et l’objet a à peine brûlé. Cela a donné un homme jaune. Mais la sœur aînée s’est endormie, elle n’a pas vu le temps passer. A son réveil, la statuette était calcinée. Quand elle a soufflé là-dessus, cela a donné un homme noir. « C’est ce qui explique le retard de la race noire. Nous les Noirs, nous avons un problème : nous ne courrons pas après le temps mais c’est le temps qui court après nous. Il faut que nous prenions conscience de ce que nous sommes en retard. L’Afrique va se développer si nous nous boostons », conclut le conteur professionnel dont l’histoire irréaliste aboutit à une évidence et à une recommandation contemporaine. C’est d’ailleurs en cela que les contes constituent une école. « Les contes, ce sont des histoires imaginaires assorties de leçons de vie. En organisant la Nuit des contes, l’association Mémoires d’Afrique Bénin veut nous faire boire à la vieille école, cette école pleine de sagesse, à laquelle nos parents et arrières parents ont été », explique Joseph Ahouandjinou, ambassadeur de Mémoires d’Afrique Bénin près la commune d’Abomey-Calavi. Il en profite pour saluer l’accompagnement de l’espace culturel Le Centre qui a soutenu, de façon spontanée, cet événement.

Essonoussè Kpohento, conteur professionnel

« Ce que vous donnez à la vie, la vie vous le retourne ! »

Captivant par son allure, sa démarche sereine et sa percussion Légère qui ne tient qu’à une baguette, le conteur Essonoussè Kpohento, à travers deux contes, a attiré l’attention du public sur les manifestations malsaines de la jalousie et ses conséquences dans les relations humaines. Le premier conte relate l’histoire d’un homme bon et généreux, aimé de tous, mais jalousé par le roi de la contrée. Celui-ci a fini par dépouiller l’homme bon de tous ses biens, le réduisant à la mendicité et à l’errement. Mais, ironie du sort ou justice divine, c’est cet homme crasseux qui finit par répondre aux trois énigmes auxquels le roi, père de trois filles, a soumis tout le village afin de détecter celui à qui il accorderait les mains de ses filles et qui serait l’héritier du trône. L’impitoyable roi n’ayant pas eu de fils. Ainsi, le bonhomme abusé devint le gendre de son persécuteur qui, ne supportant pas les coups du destin, mourut, laissant son trône à celui qu’il a toujours détesté. « La morale c’est ceci : qui que nous soyons dans ce monde, que nous soyons pauvres ou riches, puissants ou faibles, ne méprisons personne et donnons de l’amour autour de nous. Car ce que vous donnez à la vie, la vie vous le retourne ! », conclut le conteur à la baguette sonnante…

A la suite des conteurs professionnels, des volontaires n’ont pas résisté à l’envie de s’essayer. Une expérience qui a révélé des talents en herbe ! Les contes retrouvent leurs lettres de noblesse.

Réuni autour de conteurs professionnels, amateurs et essayistes, le public a bu à la sagesse des contes et légendes d’Afrique

Publié dans La Nation

Publié par Anselme Pascal AGUEHOUNDE

Journaliste et Musicien

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